Quand le street art s’attaque aux murs de Belfast
Apparu au Royaume-Uni et plus précisément en Irlande du Nord au début du XXe siècle, le street art est rapidement devenu un outil d’expression pour les habitants de Belfast. Une couleur flamboyante, un graffiti riche de sens et des images poignantes… Les artistes de Belfast utilisent depuis des décennies leurs arts muraux dans une quête de mieux vivre en communauté. Partez à la découverte de ces graffitis lors d’un tour avec un guide irlandais ou lors d’une visite en autonomie !
1 – Lorsque l’art, la religion et la politique s’entremêlent
Comme de nombreuses villes d’Irlande du Nord (Northern Ireland) et du Royaume-Uni, Belfast possède de multiples fresques murales, peintes sur les maisons de quartiers catholiques et protestants.
Avec des mots ou en images, les peintures sur les murs de Belfast s’apparentent à des photos de la ville, figées dans le temps. Elles témoignent à leur façon du passé trouble de la ville, en illustrant les conflits d’antan et les frustrations des générations successives. Si vous voulez notre avis, l’omniprésence de l’art en Irlande du Nord et son impressionnante collection d’art mural est l’excuse toute trouvée pour parcourir Belfast de manière insolite ! Et ce, que vous partiez en voyage seul ou lors d’un tour avec un guide pour une visite groupée.
La naissance du street art à Belfast
C’est en 1908 que le street art fait ses premiers pas à Belfast sur Beersbridge, à l’est de la ville. Cette première œuvre, qui illustre la victoire de Guillaume III d’Angleterre sur Jacques II au cours de la bataille de la Boyne, est le début de graffitis interposés entre les membres de l’Ordre Orangiste (protestants) et les catholiques, défaits à la Bataille de la Boyne. Inutile de sortir les armes, le choc des pinceaux et des images fit son effet…
En 1960, l’Irlande du Nord connaît une longue période de violences appelée “Les Troubles”, provoquant alors la mort de plus de 3000 civils, hommes, femmes et enfants innocents.
À la nuit tombée, les arts muraux de Belfast permettent d’exprimer la radicalisation de nombreux groupes tels que l’IRA (catholiques) ou encore l’UVF (protestants). Les peintures et plus largement le street art espèrent alors bousculer les idéologies pour construire un futur plus serein.
Dans les années 80…
Un peu plus tard, dans les années 80, la lutte nord-irlandaise vit l’émergence de nouveaux héros parmi lesquels on se remémore le célèbre Bobby Sands (IRA), qui organisa une grève de la faim dans les H-blocs de sa prison de Maze, au sud-ouest de Belfast. Malheureusement pour lui, l’Angleterre et Margaret Thatcher – dénommée la Dame de fer à l’époque – ignorèrent sa démarche, et Bobby mourut seul après 60 jours de jeûne douloureux. Une fois de plus, le street art mural apparaît comme un outil d’exutoire et de nombreux graffitis vinrent rendre hommage au jeune martyr.
Le street art aujourd’hui
Aujourd’hui, plusieurs peintures risquent de disparaître… Pour certains militants, comme Danny Devenny – peintre muraliste nationaliste – “Les fresques font partie de notre patrimoine et sont importantes pour que les générations futures et les visiteurs étrangers qui viennent à Belfast comprennent cette histoire. Effacer ces fresques, ce serait comme raser Auschwitz. Les peintures murales sont apparues à un moment où les Britanniques contrôlaient les médias. Nous avions besoin de nous faire entendre alors que les soldats britanniques nous tiraient dessus. C’est un mythe de croire que les peintures démarquaient un territoire. La fresque Free Derry Corner par exemple, a été peinte après que la police royale de l’Ulster eut assiégé cette communauté. Ce n’était pas vraiment hostile, le message disait simplement : nous sommes libres et vous êtes les bienvenus ! Nous ne sommes pas des ogres”.
2 – Une inspiration pour le monde
1990 marque le tricentenaire de la Bataille de la Boyne et la multiplication des fresques murales à Belfast. Même si certaines n’existent plus ou que d’autres ont subi des dommages, on estime qu’environ 1400 fresques ont été réalisées depuis 1996 entre les villes de Belfast et Derry. En voilà une belle collection !
Graffiti, pochoir, sticker, mosaïque, tape art… Très vite, certaines œuvres de street art deviennent célèbres et font le tour du monde. L’art pictural mural Nord Irlandais s’exporte ainsi aux États-Unis puis en Europe, en décloisonnant l’art urbain et en permettant aux artistes de rue d’exprimer leurs émotions et revendications à travers mots et images percutants.
Depuis, de nombreuses associations et collectifs s’organisent pour veiller à la protection de ces œuvres d’art murales. Certaines sont restaurées, tandis que d’autres sont plus éphémères. Dans tous les cas, de nouveaux tags et graffitis réalisés par des artistes grandissants continuent de se répandre à Belfast et partout à travers le monde. Graffeurs et taggeurs reprennent la bombe de couleur en main et arpentent les rues des villes d’un pas plus nonchalant, la cagoule ou le bonnet toujours vissés sur la tête. Ils tentent de se faire un nom, voire parfois même une cote artistique.
3- Qui se cache désormais derrière ces œuvres ?
Après les nombreuses guerres et polémiques entre 1969 et 1998, les nouveaux artistes de rue du Northern Ireland ont décidé de donner un nouveau visage à la ville.
Glen Molloy, un ancien DJ au chômage et désormais artiste, considéré comme le Banksy de Belfast en référence à l’artiste britannique, explique : « Je me suis dit qu’il fallait faire en sorte que la ville change complètement de visage, que ce soit différent de ce à quoi elle ressemblait pendant la guerre, quelque chose de brillant, de plus joyeux auquel les gens pourraient s’identifier plutôt que se sentir agressés. » Vous pouvez retrouver aujourd’hui encore à Belfast ses nombreux portraits réalistes comme ceux de George Michael et de Prince, vecteurs d’inspiration pour les musiciens en herbe et de souvenirs pour les habitants de la ville.
Si la plupart des artistes se prétendent apolitiques, leurs peintures ne sont pas dénuées de messages comme celles d’Adam Turkington, un créateur et organisateur de festivals de street art à Belfast : « C’est un peu le bordel, il y a beaucoup de colères sous-jacentes ici, beaucoup de gens qui sont contre les dirigeants et qui l’expriment à travers le street art ». De l’art, certes, mais aussi et surtout l’appropriation du paysage urbain pour témoigner son avis sur un sujet de société et susciter la curiosité et le questionnement des visiteurs.
4- Existe-t-il des circuits pour contempler le street art à Belfast ?
Pour admirer cette collection d’art urbain dans le Northern Ireland et quelle que soit la technique utilisée, le plus simple est de commencer par Library Square et filer à travers Dunbar Street / Talbot Street / Exchange Street / Exchange Place / High Street Court / Commercial Court / Donegall Street / Lower Garfield Street / Bank Street / Kent Street / Union Street / Hill Street / Church Street / Gresham Street / North Street / Unity Walk…
Notre conseil : n’oubliez pas de prendre vos plus belles photos pour des souvenirs de votre voyage à Belfast et en Northern Ireland mémorables !
Et surtout, ne pas hésiter à se perdre en chemin pour se réserver l’effet de surprise !
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